26 Sep Lahou-Plage, les derniers jours de la « cité aux 3 eaux »
Située à 120 kilomètres à l’ouest d’Abidjan, Grand-Lahou est une petite bourgade sympathique qui s’étire paisiblement entre mer et lagune, ville-étape pour tous les randonneurs et amoureux de la nature qui veulent arpenter les 20 000 ha du parc national d’Azagny. Au premier regard, rien de particulièrement séduisant à cet endroit si ce n’est le calme et la sérénité qui tranche (et fait du bien !) avec la frénésie abidjanaise. Mais Grand-Lahou cache bien son jeu car derrière la ville nouvelle sans charme se dissimule un petit joyau en péril : l’ancienne cité coloniale, désormais connue sous le nom de Lahou-Plage.
Lahou, la cité aux 3 eaux
Grand-Lahou est un ancien comptoir colonial qui a vu le jour au début du 20ème siècle et fut la première capitale économique de la Côte d’Ivoire. Il est peuplé par l’ethnie des Avikams qui appartient au groupe des Akans.
Il a été construit sur une bande de terre située entre l’océan Atlantique et la lagune Tiagba et à l’embouchure du fleuve Bandama. D’où son surnom de « Cité des 3 eaux ».
Le village de Braffedon est le point de départ des balades lagunaires qui permettent de rejoindre, en pirogue, le point de rencontre de ces 3 eaux. Mais aussi de naviguer parmi les nombreuses îles qui parsèment la lagune, contempler des forêts de mangrove, admirer les pêcheurs et leur impressionnante technique de « pêche à l’épervier » ou encore passer quelques heures sur la plage au bord de l’océan.
Lahou-Plage, un village en sursis ravagé par les flots
La bande de terre sur laquelle Grand-Lahou s’est développé s’étendait sur 2 kilomètres il y a un siècle et seulement 200 mètres en 2014. La mer avance de 2 mètres chaque année.
Petit à petit, l’ancienne cité, qu’on appelle maintenant Lahou-Kpanda ou Lahou-Plage, est grignotée par l’érosion marine et menacée par la montée des eaux. Le fleuve Bandama, qui jadis repoussait les assauts de l’océan, ne joue plus son rôle, faute de débit, depuis la construction du barrage de Kossou en amont. D’autres phénomènes liés à la destruction de la mangrove et au réchauffement climatique accélèrent aussi le phénomène.
Pour anticiper un désastre prévisible, la plupart des habitants ont abandonné le village dans les années 70. Bâtiments administratifs, hôpitaux, écoles et habitations ont été reconstruits plus loin, à 18 kilomètres à l’intérieur des terres pour former ce qui est aujourd’hui la ville nouvelle de Grand-Lahou.
La prospère cité coloniale n’est donc plus que l’ombre d’elle-même. Telle la cité perdue de l’Atlantide, les somptueuses demeures, bâtiments et églises ont été engloutis par l’océan. Seuls quelques pans de murs continuent de lutter encore contre les vagues mais finiront inexorablement par disparaître.
Lahou-Plage a été cité en exemple des lieux victimes du réchauffement climatique lors de la COP21 de Paris en décembre 2015. Il est désormais site pilote dans le cadre du programme Waca de la Banque mondiale, un programme de gestion de littoral ouest-africain. Mais il semblerait qu’à ce jour, aucune action concrète n’ait été prise.
Alors, si la disparition de Lahou-Plage est inéluctable, les villageois résistent, reconstruisent leurs maisons au rythme des ensevelissements, s’accrochent à la terre de leurs ancêtres … et font de leur village un endroit particulièrement attachant.
Un village cosmopolite de pêcheurs…
Lahou-Plage est un village de pêcheurs de 6000 âmes où il fait bon vivre. Les maisons sont construites en bambou et feuilles de palmiers afin d’être déplacées facilement. 5 églises, 1 mosquée, plusieurs écoles et des terrains de foot à tous les coins de rue s’ajoutent aux 7000 habitations encore sur pied.
L’artère principale traverse les 16 quartiers du village. En guise de pavés, des coquillages jonchent harmonieusement le sol.
Le village est peuplé d’ivoiriens mais aussi de togolais, ghanéens et béninois, attirés par la richesse des eaux poissonneuses ivoiriennes.
… et de fans de football
Particularité des embarcations de Lahou-Plage : elles ne sont pas juste colorées, comme toutes les pirogues qui sillonnent le Golfe de Guinée, elles sont décorées aux couleurs des plus grands clubs de football ! Chaque équipage a son club de prédilection et quand la pêche est bonne, les pêcheurs enfilent le t-shirt de leur équipe préféré avant de rentrer au port.
Pendant la saison des pluies, les hommes mettent leur activité entre parenthèse (jusqu’en août) et en profitent pour réparer leurs pirogues et filets, en construire de nouvelles et les décorer. Et bien sûr jouer au foot ! Lors de notre visite au mois de mai, les bateaux étaient donc à terre et nous avons pu admirer leurs couleurs chatoyantes et leurs étendards footballistiques.
Les femmes, quant à elle, s’occupent de fumer le poisson qui se garde ainsi 3 à 4 mois. Il est consommé sur place ou vendu, de l’autre côte de la lagune, au nouveau point de débarquement financé par le Maroc.
Enfin, les enfants courent, sautent dans les vagues, observent les visiteurs avec curiosité, posent avec grand plaisir sur les photos des touristes et évidemment jouent au foot. Impossible d’échapper au sport-roi à Lahou-Plage.
Le mythique Grand-Lahou n’existe plus certes. Mais celui qui l’a remplacé, loin d’être un village fantôme, est joyeux, vivant. Et ses habitants – futurs réfugiés climatiques – continuent de vivre, envers et contre, sur ce petit banc de sable qui se réduit chaque jour davantage à peau de chagrin.
Les jours de Lahou-Plage sont comptés. Alors n’attendez pas pour aller le visiter et aller à la rencontre de ses résiliants habitants.
Si vous voulez en savoir plus sur les menaces qui pèsent sur le littoral ouest africain, je vous invite à lire cet article du blog Africa Can.
INFORMATIONS PRATIQUES
- Accès Grand-Lahou : par la route côtière à 2h d’Abidjan (direction Jacqueville/Dabou). Malgré de nombreux trous, voire cratères, la route est en bon état. Une gare routière se trouve à l’entrée de la ville. Il est donc aussi possible de s’y rendre en bus depuis Abidjan.
- Accès Lahou-Plage : suivre l’artère principale vers l’ouest jusqu’à l’embarcadère du village de Braffedon puis trouver un piroguier pour se rendre au village, de l’autre côté de la rive.
Ingrid
Posted at 19:16h, 19 octobreEnfin !! A well researched source of information with a nice touch of personal ivorian experiences in the field…
Isa
Posted at 22:04h, 01 novembreThanks my dear Ingrid!
Villebrun
Posted at 07:45h, 06 novembreUn récit qui respire le « vrai » et très agréable à lire. Ça donne envie d’y aller !
Isa
Posted at 17:16h, 06 novembreMerci Elisa, venant d’une aussi belle plume que toi, je suis touchée !
Santiago
Posted at 20:28h, 19 novembreHello! This is my first visit to your blog! We are a team
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Quiquandon
Posted at 09:03h, 23 marsBonjour,
Merci beaucoup pour votre article très intéressant !
Avez-vous le contact de Nicolas svp ?
Merci bcp,
Julia
Isabelle
Posted at 11:40h, 29 marsBonjour Julia,
Je n’ai pas le contact de Nicolas mais vous pourrez le trouver facilement à Braffedon.
Pingback:Tourisme | Grand-Lahou, la cité des 3 Eaux, en Côte d’Ivoire, pour pratiquer le tourisme vert | Grand Medias | Presse-Radio-TV
Posted at 23:34h, 05 août[…] déjà partagé, dans un long article ici, mon coup de cœur pour la cité aux 3 eaux, ancien bastion colonial en sursis, ravagée par les […]
Yves-Landry Kouamé
Posted at 23:12h, 14 aoûtMerci pour ce billet super intéressant et riche. Les jours de nos cités balnéaires sont en effet comptés. Et c’est bien dommage !
Isabelle
Posted at 13:01h, 03 octobreEn effet le littoral du Golfe de Guinée est en danger mais il est encore temps de prendre des actions pour protéger les côtes.
Pingback:Montée des eaux en Côte d’Ivoire : jusqu’à quand l’inaction ? - Être sensible à son environnement - Être sensible à son environnement
Posted at 00:19h, 15 août[…] comme ce qu’on a pu observer à Grand-Bassam en ce mois d’août et tout ce qui arrive à Grand-Lahou ou Lahou Kpanda depuis plusieurs années. Ce qui signifie que nous ne sommes pas au bout de nos […]
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Posted at 10:19h, 17 août[…] comme ce qu’on a pu observer à Grand-Bassam en ce mois d’août et tout ce qui arrive à Grand-Lahou ou Lahou Kpanda depuis plusieurs années. Ce qui signifie que nous ne sommes pas au bout de nos […]