17 Oct La Route des Esclaves de Ouidah
A Ouidah, la Route des Esclaves est un lieu de mémoire unique et exceptionnel. Située à quelques kilomètres de Cotonou, sur les rives béninoises du Golfe de Guinée, cette route fait revivre les derniers pas des 2 millions d’hommes, femmes et enfants qui ont été arrachés à leur pays et vendus, comme de la vulgaire marchandise, aux Européens. Du marché des esclaves à la porte de Non Retour, Ouidah vous permet à travers 7 étapes, sur 4 kilomètres, de remonter le temps et rendre hommage.
La place des enchères de Ouidah
Au XVIIIe siècle, Africains et Européens s’y échangeaient toutes sortes de marchandises. Les uns vendaient des produits manufacturés, les autres des esclaves (prisonniers de guerre issus d’ethnies rivales, victimes de razzias ou encore coupables d’adultères). 1 pipe valait 5 esclaves, 1 bouteille d’alcool 10 esclaves, 1 canons 15 hommes ou 21 femmes…
De ce marché, il reste aujourd’hui une petite place dénommée « Place Chacha » en l’honneur de Don Francisco de Souza, alia Cha Cha (vite vite), marchand d’esclave brésilien, représentant du Roi auprès des Européens. La plupart des Souza du Bénin sont paraît-il ses descendants.
« C’est sous cet arbre et en cette place que se tenaient les enchères publiques pendant lesquelles les esclaves destinés aux Amériques étaient troqués contre des marchandises de pacotille ».
La maison fleurie
Elle était située juste en face du marché mais a été détruite. Une fois vendu, chaque esclave devait s’y rendre pour y recevoir la marque, au fer rouge, de son acheteur. Puis il entamait sa longue marche, sur la route jusqu’à l’océan.
L’Arbre de l’Oubli
La route des esclaves est jalonnée de 23 magnifiques statues colorées. La plupart ont été réalisée par Cyprien Tokoudagba, peintre et sculpteur béninois reconnu internationalement. Elle représente chacune une part de l’histoire de Ouidah, notamment les symboles des différents rois du Dahomey (l’oiseau, le lion, la hyène, le caméléon, le singe, le serpent, la jambe …) ou encore de la traite des esclaves.
Arrivés à l’Arbre de l’Oubli, les esclaves hommes devaient en faire le tour 9 fois, et les femmes 7 fois de façon à oublier leur famille, leur histoire, leur culture et leur identité et devenir des êtres sans aucune volonté.
« En ce lieu se trouvait l’arbre de l’oubli. Les esclaves mâles devaient tourner autour de lui neuf fois. Les femmes sept fois. Ces tours étant accomplis, les esclaves étaient censés devenir amnésiques. Ils oubliaient complètement leur passé, leurs origines et leur identité culturelle pour devenir des êtres sans aucune volonté de réagir ou de se rebeller. »
Peu après l’Arbre de l’Oubli se trouve le Mémorial Zomachi (Escale du retour). Ce lieu de mémoire, hommage aux descendants d’esclaves qui sont revenus au Bénin, n’a en fait jamais été construit. Mais les fresques du mur d’enceinte qui racontent la vie des esclaves ainsi que la révolte de Haïti en 1791 menée par Toussaint Louverture méritent qu’on s’y attarde.
Les cases Zomaï de Ouidah
Les esclaves étaient ensuite conduits dans des sortes d’entrepôts totalement obscures et exigus (« Zomaï » signifiant « que le feu ou la lumière ne s’y attarde pas ») dans lesquels ils étaient enfermés pendant 3 à 4 mois jusqu’à l’arrivée des navires négriers. Des conditions de vie horribles – entassés les uns sur les autres, dans le noir, rarement nourris – qui étaient censées leur donner un avant-goût de ce qui les attendait dans les bateaux. Il ne reste rien de ces cases qui ont été remplacées par des sculptures.
« En effet, en cet endroit se trouvait une grande case hermétiquement close où les esclaves étaient enfermés dès leur arrivée à Zounbodji. Et d’où ils ne sortaient que pour être transférés vers l’arbre du retour. Cette séquestration absolue désorientait totalement les esclaves et rendait extrêmement difficile toute tentative de fuite ou de rébellion; Ce séjour ici les conditionnait pour la vie de promiscuité et d’obscurité des cales des négriers. »
Le Mémorial du Souvenir
Les nombreux esclaves qui ne survivaient pas à leurs inhumaines conditions de détention étaient enterrés dans une fosse commune. Un mémorial et a a été érigé à cet endroit. Un mur des lamentations se dresse au milieu.
L’Arbre du Retour
A quelques mètres du mémorial, un arbre généreux, debout depuis 200 ans, trône au milieu d’une placette tel un témoin du passé. Une fois qu’ils quittaient les cases, les esclaves s’y arrêtaient et en faisaient 3 fois le tour. Ce rituel leur garantissait que leur esprit reviendrait sur la terre de leurs ancêtres quoi qu’il arrive et où qu’ils meurent. Dernière volonté accordée à des êtres humains en sursis.
La porte de Non Retour de Ouidah
La Route des Esclaves se termine par une immense porte inaugurée en 1995, symbolisant le passage des esclaves vers l’autre monde et l’impossibilité pour eux de revenir. La mer étant peu profonde, les navires ne pouvaient atteindre les côtes. Des pirogues les attendaient pour les conduire dans les navires. Ultime chance de se donner la mort et d’échapper à ce funeste destin.
La porte de Non Retour a été réalisée par Fortuné BANDEIRA, architecte, décorateur et peintre béninois.
La plage de Ouidah est celle qui a vu passer le plus d’esclaves en Afrique de l’Ouest en direction des Antilles, de Cuba, de Haïti et du Brésil. Les navires faisaient ensuite escale au Ghana puis au Sénégal avant d’entamer leur grande traversée. Les historiens estiment que 20% d’entre eux ont péri avant d’arriver de l’autre côté de l’océan.
INFORMATIONS PRATIQUES
- La Route des Esclaves fait 4 kilomètres et se parcourt idéalement à pied.
- Les cases Zomaï, le Mémorial du Souvenir ainsi que l’Arbre du Retour ne se trouvent pas sur la route même mais à quelques dizaines de mètres à l’intérieur du village.
- Je vous recommande évidemment de prendre un guide (compter environ 5000F CFA). Vous pouvez en trouver aisément lorsque vous visitez le Fort Portugais.
- Si la route des Esclaves est un immanquable à Ouidah, il y a bien d’autres choses à voir dans cette ville. Découvrez mes 5 incontournables dans cet article.
Et si un voyage au Bénin vous intéresse, je vous invite également à lire le récit de mon road-trip en famille ainsi que mes conseils pratiques pour préparer un voyage dans ce pays.
ZOSSOU
Posted at 22:03h, 05 octobreC’est trop bon j’ai adoré l’histoire
ZOSSOU
Posted at 22:06h, 05 octobreSuper j’en veux plus d’histoire
Isabelle
Posted at 08:59h, 25 novembreMerci beaucoup ! Le Bénin a en effet remarquablement mis en valeur sa route des esclaves et son histoire.
Noel Mano COLDOLD
Posted at 10:39h, 28 maiComment peut-on se réjouir d’un quelconque bienfait se rapportant à tant de siècle d’abomination?
Isabelle
Posted at 11:37h, 09 juinBonjour, avez-vous vraiment lu mon article ? Je ne vois vraiment pas où vous avez noté que je me réjouissais de l’esclavage ou encore que je célébrais les soi-disants bienfaits de la colonisation. Cet article a pour but de parler du remarquable travail de mémoire et de commémoration qui a été effectué à Ouidah pour rendre hommage aux victimes et dénoncer cette abomination.
Basma
Posted at 22:54h, 03 décembreJ’ai eux de la chance de visiter se site encore en travaux très intéressant des moments partagés et plonger dans le souvenir de la route non retour et le l’arbre du marché j’ai les larmes qui coulent encore trop mouvementée j’adore ce pays le Bénin 🇧🇯
Isabelle
Posted at 08:50h, 04 décembreJe vous comprends, ce site mémoriel est vraiment très bien réalisé et très émouvant. Merci pour ce partage.
Alvine
Posted at 21:32h, 17 janvierÇa va vraiment mal au cœur de prendre connaissance de tous sa je suis désolée pour tout ses âmes
Isabelle
Posted at 08:15h, 18 janvierTerrible en effet mais c’est très important de mettre en valeur ces lieux de mémoire et de faire connaître l’Histoire de la traite au plus grand nombre.
Gilles MENGANA
Posted at 11:41h, 26 juilletJe suis l’un des descendant de zoki azata d’Almeida capturé vers ses 12 ans pour bahua au Brésil et libéré vers ses 50 ans . Il fut un Important trafiquant desclaves à ouidah dans les années 1800.
D’ailleurs dans la concession trône encore une chaîne destiné à attacher les esclaves qui a survécu au temps.
Dur heritage à assumer en tant que descendant.
Isabelle
Posted at 14:30h, 04 septembreIncroyable, comment avez-vous réussi à remonter votre généalogie ainsi ?