05 Mar Visiter Sassandra : le joyau oublié de l’ouest ivoirien
Sassandra est une ville côtière située à presque 300 km d’Abidjan. Bourgade discrète qui ne fait guère parler d’elle. Après une longue période de prospérité, elle a entamé son déclin dans les années 50 et semble désormais plongée dans une profonde léthargie. Seul son vieux wharf, qui part en lambeaux, continue à défier l’océan.
Visiter Sassandra ne faisait donc pas partie de mes priorités. J’avais relégué cette ville, bien trop difficile d’accès à mon goût, aux « visites à faire plus tard ». Mais « plus tard » est heureusement venu. Des photos de plages désertes et sauvages avaient fini par me convaincre de partir explorer cette région de la Côte d’Ivoire. Et par chance, au moment même où la route côtière a été (légèrement) réhabilitée. En tout cas, suffisamment pour nous permettre d’arriver à Sassandra en 4h30 de route (au lieu de 6/7h précédemment) sans encombre (autrement dit sans pneu crevé ni casse sur la voiture). Une aubaine pour cette petite ville tranquille et endormie mais au potentiel touristique immense.
Sassandra, la ville de San Andrea
Sassandra fut autrefois une ville dynamique et prospère dont la situation géographique et l’absence de barre amenèrent les Portugais à en faire leur premier point d’ancrage dans la région au XVe siècle. En 1471, deux navigateurs, Joao de Santarem et Pedro de Escobar, atteignirent une rivière à laquelle ils donnèrent le nom de San Andréa (nom du saint patronnant le jour de la découverte) ainsi qu’au village situé à son embouchure. Ce nom sera ensuite déformé en Sassandra.
Ils furent rejoints à la fin du XVIe siècle par les Hollandais et les Danois puis au XVIIe siècle par les Français et les Anglais. D’où la présence de nombreux vestiges coloniaux dans la ville.
Après la seconde guerre mondiale, Sassandra était le port le plus actif de Côte d’Ivoire et le poumon économique du pays. Alors que Grand-Bassam et Port-Bouët avaient désarmé leurs installations portuaires en attendant l’ouverture du canal de Vridi, le port de Sassandra était en plein essor, au service des grandes maisons commerciales et des exploitations agricoles.
Il était même prévu de construire un port en eau profonde pour profiter de la rade exceptionnelle qu’offre la baie. Mais ce projet ne vit jamais le jour. Et le destin de Sassandra s’en trouva tout chamboulé. L’ouverture du canal de Vridi à Abidjan en 1950 puis la création du port de San Pedro dans les années 1970 scellèrent définitivement son sort. Son imposant wharf fut fermé en 1972.
Source : article de Fraternité Matin https://www.fratmat.info/article/83445/63/sassandra-un-joyau-de-la-nature
Sassandra, la belle oubliée
Sassandra sombra progressivement dans l’oubli. Aujourd’hui, elle ressemble à un grand village de pêcheurs qui vit au rythme du va-et-vient des pirogues ghanéennes. On a l’impression que rien ne s’y passe en dehors de l’arrivée du poissons frais. Ah si, un nouveau marché couvert (totalement excentré) a fait son apparition … Des projets de développement sont en cours. Et mi-février 2020, le Premier Ministre de Côte d’Ivoire a fait le déplacement jusqu’à Sassandra pour, sans doute, promettre des tas de choses aux habitants de la région.
Je suis arrivée à Sassandra alors que les membres du gouvernement repartaient. La ville était encore parée de ses plus beaux atours : drapeaux ivoiriens flottant tout le long de l’artère principale, banderole souhaitant « Akwaba » au Premier Ministre, habitants élégants portant le pagne de leur village et/ou arborant fièrement le t-shirt offert par les autorités … Pendant deux jours, le cœur de la ville a battu au rythme des meeting politiques et festivités. Puis Sassandra a retrouvé sa nonchalante tranquillité.
En espérant peut-être que la région ne soit plus laissée pour compte et que la réhabilitation de la route côtière marque le début d’une nouvelle ère … une ère qui j’espère laissera surtout la place à l’éco-tourisme de se développer dans le respect de l’environnement et des populations locales.
Enfin, quoi qu’il arrive, je me sens particulièrement chanceuse : chanceuse car je fais partie des « happy few » qui ont pu admirer Sassandra, la sauvage et confidentielle ville balnéaire de Côte d’Ivoire ! Car dans son malheur, la Belle-aux-Cocotiers-Dormants est restée une destination d’exception préservée de tout développement anarchique.
Sassandra, l’autre joyau colonial de Côte d’ivoire
Moins connue et moins fréquentée que Grand-Bassam, la ville Sassandra n’en est pas moins un des joyaux du patrimoine colonial de Côte d’Ivoire. La présence successive des Portugais, Hollandais, Danois, Anglais et Français a laissé des traces.
Le bâtiment phare de cet héritage colonial est sans aucun doute la Maison du Gouverneur, construit en 1893 et devenu résidence du Commandant du Cercle deux ans plus tard. Perché sur un promontoire rocheux, elle surplombe la baie et l’embouchure du fleuve. La vue depuis sa terrasse est à couper le souffle. En revanche, cette bâtisse est dans un tel état de vétusté qu’on se demande comment elle tient encore debout ! Les jardins du palais, logés à la même enseigne, sont abandonnés à leur triste sort.
Les moyens font défaut pour restaurer le patrimoine certes mais ne serait-il pas possible d’entretenir les extérieurs à coups de machette ? Cela rendrait le palais bien plus facile d’accès. J’ai aussi entendu parler d’un projet de démolition et reconstruction à neuf mais je n’y crois pas trop …
D’autres bâtisses en ruine, construites en bord de mer, entourent la Maison du Gouverneur : l’ancienne prison, les bureaux administratifs. Toutes décrépies et envahies par la nature. Ce qui leur confère un charme particulier qui me touche beaucoup. Mais en les admirant, on a bien du mal à imaginer à quoi elles ressemblaient il y a 100 ans. Je ne sais pas s’il existe des images d’archives quelque part ???
Le mémorial du S.S. Dumana
Pour vous rendre à pied jusqu’à la Maison du Gouverneur, vous pouvez soit passer par la plage, et en profiter pour admirer le Wharf, soit par la rue. Si vous empruntez ce chemin, vous passerez devant le mémorial des victimes du naufrage du S.S. Dumana, un navire britannique torpillé aux larges de Sassandra par les Allemands le 25 décembre 1943.
Le quartier colonial
En continuant jusqu’à l’ancien bâtiment de la Banque d’Afrique de l’Ouest (faufilez-vous à l’intérieur pour jeter un oeil aux anciens coffres forts toujours intacts), prenez à gauche et enfoncez-vous dans le tout premier quartier de la ville. Vous découvrirez non seulement des vestiges de l’époque coloniale (entrepôts de la CFAO, premier cinéma de la ville, hangar à cacao …) mais aussi le port Fanti, ses centaines de pirogues polychromes, les pêcheurs réparant leurs filets et les femmes préparant le poisson. Un spectacle somptueux dont je ne me lasse pas en Côte d’Ivoire.
La parade nautique et les singes de la forêt sacrée
Si vous souhaitez assister au spectacle insolite du « retour de la pêche », rendez-vous à l’hôtel La Terrasse de bon matin. Des hauteurs de la ville, vous pourrez embrasser d’un regard toute la baie et voir arriver des dizaines d’embarcations chargées de poissons. Les hommes, partis en mer toute la nuit, reviennent victorieux, accueillis par une foule en liesse. Les jeunes plongent dans la mer et rejoignent les bateaux à la nage pour participer au déchargement tandis que les femmes guettent, sur le sable, l’arrivée de la marchandise. Une scène de la vie quotidienne à Sassandra digne des plus belles parades nautiques.
Avant d’aller à la Terrasse, pensez à acheter quelques bananes pour nourrir les petits singes qui vivent dans la forêt sacrée qui entoure l’hôtel. Un must-do avec les enfants.
De Sassandra à Drewin, l’étape ultime sur la route des esclaves
Sassandra fut un haut-lieu de l’esclavage, une des dernières étapes de la route des esclaves de la côte. Quelques vestiges témoignent de cette époque.
En contrebas de la Maison du Gouverneur se trouve l’ancien marché aux esclaves (désormais un potager pour les employés de la prison qui vivent à côté). Les marchands d’esclaves y mettaient en vente aux enchères leurs « marchandises » pour les commerçants européens. Une fois vendus, les esclaves étaient enfermés et enchaînés dans une cave dans l’attente de leur départ sans retour pour les Amériques. Des tunnels auraient été construits pour les acheminer en toute discrétion vers les navires négriers. A côte de la plage de Drewin, on peut voir l’une de ces caves au bout de laquelle se trouve une dalle en ciment bouchant un « tunnel de la honte ».
A propos de la route des esclaves ivoiriennes : une stèle commémorative a été installée à Kanga Nianzé, près de Tiassalé. Au-delà de ce monument, il est aussi question de créer une vraie route des esclaves (comme à Ouidah au Bénin par exemple) en Côte d’Ivoire. Le projet avance-t-il ? Il semble déjà compliqué de trouver la stèle qui se trouve à N’Douci et qui n’est pas indiquée. Si vous avez des infos, ça m’intéresse !
Au fil de l’eau sur le fleuve Sassandra
Sassandra est aussi, et avant tout, un joyau de la nature. Baignée par les eaux de l’océan Atlantique, ses plages sont parmi les plus belles de Côte d’Ivoire et du Golfe de Guinée. Et le fleuve, qui porte aussi son nom et se jette dans l’océan au pied de la Maison du Gouverneur, est également une merveille.
Le meilleur moyen de l’explorer est de partir en balade à bord d’une petite pirogue en bois (qui prend l’eau évidemment…). Avec un peu de chance, vous apercevrez des hippopotames. Après 3 heures de navigation, nous avons fini par en trouver un. L’honneur était sauf !
Le célèbre pont Weygand
Un peu plus en amont du fleuve, ne manquez pas le magnifique pont Weygand. Ce pont est une des curiosités de la région. Construit dans les années 40, il relie les berges du fleuve à environ 15km de Sassandra. Piétons, vélos, motos et petites voitures circulent toute la journée sur cet ouvrage magistral (en revanche les 4×4 ne passent pas, le pont étant trop étroit). N’hésitez pas à emprunter le pont à pied, la vue sur le fleuve et le parc national du Gaoulou est magnifique, en particulier en fin de journée au soleil couchant qui fait ressortir les teintes ocres de la construction et son reflet dans l’eau. Mais attention, quelques morceaux de rambarde se sont effondrés suite à des accidents (et bien sûr n’ont pas été reconstruits). Soyez donc prudent !
L’île de Gaoulou
Pour admirer le pont Weygand dans toute sa grandeur, faites un stop au village de Gaoulou, en direction de Lakota. Profitez-en aussi pour trouver un guide qui vous mènera sur l’île de Gaoulou. Cette petite île, accessible en pirogue (5 minutes de traversée) est couverte d’une forêt primaire. On peut y observer quelques espèces végétales endémiques, des papillons, des oiseaux et surtout si vous êtes très très chanceux des lamantins et des hippopotames nains qui barbotent autour de l’île. Malheureusement, nous n’avons rien vu de tout cela. Notre guide était sans doute un peu trop aviné (de palme) pour nous emmener au bon endroit 🙁 Plus insolite, on trouve aussi sur l’île les ruines d’un ancien complexe touristique abandonné depuis près de 20 ans. Je serais curieuse d’échanger avec quelqu’un ayant déjà séjourné dans ce campement …
Lors de mon séjour, j’ai aussi la chance d’être accueillie, avec une amie, dans un petit village près de la plage de Pauly Rock par les habitants d’un village du peuple Neyo. Nous avons assisté à un spectacle de danses traditionnelles rien que pour nous, en mode VIP. Un des moments fort de notre trip à Sassandra (et de tout voyage en Côte d’Ivoire pour qui part à la découverte des danses et traditions). Quelques images de ce spectacle :
Enfin, à l’aller ou au retour, pourquoi ne pas profiter de votre escapade à Sassandra pour faire un stop à Grand-Lahou ou à Jacqueville ?
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Eglantine
Posted at 20:14h, 05 novembreMagnifique région !!! J’y ai voyager le temps d’un instant grave à vous merci !
Isa
Posted at 08:36h, 09 novembreMerci Eglantine ! En effet c’est une région incroyablement belle mais malheureusement difficile accessible et peu mise en valeur. Le potentiel est énorme !
John Veerkamp
Posted at 11:47h, 25 marsJoli village. Nous venons de faire la visite a partir de San Predo. Deux heures de route horrible. Mais ca vaut la peine. Les points dite “touristiques” de Sassandra même sont à visiter dans quelques heures de temps, y inclus le pont Weygand.
Je mettra mes fotos sur Flickr: https://www.flickr.com/photos/johnveerkamp/albums/with/72157718398974891
Isabelle
Posted at 09:59h, 01 avrilEn effet depuis San Pedro, ça fait de la route !! J’ai passé 3 jours à Sassandra et je ne me suis pas ennuyée. Pour visiter la ville même, une journée suffit. Mais si vous voulez allez voir les belles plages, et profiter du fleuve Sassandra, 1 ou 2 jours de plus sont bien agréables.
Isabelle
Posted at 10:11h, 01 avrilVos photos sont superbes. Et vous avez eu un beau ciel bleu pendant votre visite.
Merci pour le partage
Isabelle
Posted at 14:50h, 04 juinMerci beaucoup. On va dire que le ciel était plutôt changeant, comme souvent en Côte d’Ivoire.
Emma
Posted at 22:15h, 13 aoûtBonjour est ce que c est difficile d acces d Abidjan
Isabelle
Posted at 14:15h, 06 septembreBonjour, j’ai eu la chance d’aller à Sassandra lorsqu’ils avaient rafistolé la route (c’était pendant la campagne présidentielle début 2020) donc l’état de la route était correct et nous n’avons mis que 5h pour y aller. Aujourd’hui il me semble que la côtière est à nouveau très dégradée (surtout en sortie de saison des pluies)s. Elle doit enfin être refaite pour la CAN mais ne ne sais pas où cela en est; Essayez de bien vous renseigner avant de prendre la route. Et bon voyage !
GNAGBO HERMAN CRÉPIN
Posted at 16:15h, 11 aoûtFormidable, très touché par votre démonstration touristique
J’ai vraiment apprécié
Vous m’aideriez certainement dans mes recherches:
Étudiant en histoire,je serai ce mois- ci à Drewin-Bassa… Sassandra car je travail sur » Sassandra dans la traite atlantique au XVIIIe siècle »
À rechercher:
– Villages entrepôts, marchés aux esclaves,
– Les populations ou peuples captifs vendus etc.
–
OUATTARA TABACALY
Posted at 01:30h, 25 septembreMerci beaucoup Isa pour ce partage. Très belle region du Gboklè avec d’enormes potentialités touristiques à mettre en valeur.
Isabelle
Posted at 09:04h, 25 novembreMerci beaucoup. Vous avez raison, cette région a un énorme potentiel.
ACHOU
Posted at 05:11h, 21 janvierJ’adore cette ville pour y avoir séjourné plusieurs fois.
Isabelle
Posted at 11:41h, 29 marsUne ville magnifique qui recèle beaucoup de trésors si seulement elle était davantage mise en valeur.
MESSOU
Posted at 06:50h, 01 avrilhummmm, j ai été affecté à la dr de sassandra ( fonction publique) je rêve déjà en y lisant votre récit je suis émerveillé , pressé d y prendre fonction le plus tôt possible…. je vais déguster la ville sur au moins 5 ans 😁🤗😁🤗
Isabelle
Posted at 10:40h, 03 avrilBonne installation à Sassandra et profitez en bien !
Alexandra
Posted at 14:20h, 05 juilletSASSANDRA est une ville que je porte dans mon coeur pour y avoir passer mon enfance. Toutes ces images me rappellent de bons souvenirs. Merci beaucoup ISA de nous la faire redécouvrir.
Isabelle
Posted at 08:42h, 22 juilletJe t’en prie. Je pense sincèrement que cette ville et sa région sont cotées. C’est un endroit magnifique qui m’a beaucoup touchée.
Nina
Posted at 23:19h, 13 févrierBonjour ! Auriez vous un hôtel à conseiller sur place ?
Merci !
Isabelle
Posted at 08:35h, 14 févrierBonjour Nina, j’ai séjourné au Pollet.
Jocelyn
Posted at 07:55h, 26 novembreBonjour
J’imagine que la route a été améliorée depuis Abidjan avec la CAN?
Pouvez vous me dire si la pratique de la nage dans la mer est facile, pas de courants etc…
Salutations cordiales
Isabelle
Posted at 10:59h, 28 novembreOui tout à fait, c’est beaucoup plus rapide de rejoindre Sassandra depuis Abidjan en voiture. Je ne voudrais pas vous dire de bêtises à propos des courants n’étant pas spécialiste. Il se peut que cela soit moins dangereux qu’Assinie mais la mer reste très agitée avec de forts courants. Les surfeurs apprécient beaucoup les plages de Sassandra.